Dernier jour 12h35

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Associated Press, Biloxi, Mississipi, aujourd'hui, 12h30. Suite du feuilleton juridico médiatique entourant Charles Smith, Sénateur Républicain du Mississipi, condamné à de nombreuses reprises pour ses propos xénophobes, racistes, sexistes et discriminatoires. Ses adversaires militent avec fureur pour que le sénateur perde les derniers points de citoyenneté qui lui permettent de conserver sa charge et par la même de maintenir son apparente impunité, entretenant un « cercle vicieux », selon les propos du représentant démocrate Jim Rubit, son adversaire farouche qui a déclaré : « Il est totalement inique que dans ce pays, un piéton qui traverse en dehors des clous perde systématiquement des points de citoyenneté, et qu'au même moment dans la même ville, un méchant vieillard puisse proférer en public d'ignobles sermons d'un autre temps, être condamné par des tribunaux, et continuer en toute impunité, sous prétexte qu'il est élu ! » La loi sur la citoyenneté à point, qui fait l'objet d'un amendement à la constitution, institue aux États-Unis la politique dite « de tolérance zéro », mais les élus fédéraux n'y sont pas soumis du fait d'une décision très controversée de la Cour Suprême. Cette décision visait à protéger les droits d'expression des élus, mais un sondage récent indique que si 86% des Américains considèrent cette liberté comme « importante », 89% jugent que l'impunité actuelle du Sénateur Smith est « inacceptable ».

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Rita prit la parole :

— Michael, Ada, j'ai une autre information à vous transmettre.

— Oui ?

— Je viens de trouver les résultats de l'analyse balistique de la balle qui a été extraite du corps du policier.

— Et alors ?

— Il s'agit de la même arme que celle qui a tué Zebra.

— Pardon, tu peux répéter ça ?

— L'un des seuls indices matériels sérieux dont la police dispose dans le meurtre de Zebra est la balle qui l'a tuée, or celle-ci a été tirée par la même arme. Ils en sont certains.

Ada regarda Michael et dit avec conviction :

— C'est Morgan qui a tué Zebra.

Elle serrait les dents si fort que son visage en tremblait. Michael secoua la tête.

— Non, c'est impossible.

— Michael, c'est une évidence énorme ! Tu ne peux pas laisser tes sentiments t'aveugler face à une preuve aussi tangible.

— Ada, Morgan n'a pas tué Zebra. Je ne peux pas y croire. Ce n'est pas logique, elle ne la connaissait même pas.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

— Si vous me permettez de vous interrompre, fit prudemment Rita, la conséquence est qu'Ada est également recherchée pour le meurtre de Zebra, et que dans cette affaire les soupçons sont corroborés par le fait reconnu que vous étiez intimes.

— Rita, fit vivement Michael, ça, on s'en fiche, on sait que ce n'est pas vrai.

— Michael, répondit respectueusement Rita, je peux vous affirmer avec un niveau de certitude similaire que Morgan n'a pas tué Zebra.

Michael et Ada se regardèrent.

— Comment sais-tu cela ?

— Je pense pouvoir inférer comment Morgan s'est trouvée en possession de cette arme. Je pense qu'elle l'a prise à un homme qui agressait Lise et qui a été tué. J'en déduis que c'était lui l'assassin de Zebra. Vous n'avez donc rien à craindre de Morgan, au contraire, elle vous a vengé.

— Qu'est-ce que tu y connais en vengeance ? demanda abruptement Ada.

Michael lui fit un signe de reproche et de silence. Rita répondit :

— Ada, je te prie de m'excuser si mon manque de maîtrise de la compréhension de vos émotions m'a conduite à utiliser ce terme de façon inappropriée.

— C'est bon, Rita, c'est bon. Comment s'appelait ce mec ?

— Je n'en ai aucune idée.

— Quand est-ce que cela s'est passé ? D'où est-ce qu'il sortait ?

— L'agression de Lise s'est produite quelques mois après le meurtre de Zebra. Selon toute vraisemblance, cet homme faisait partie de l'équipe qui cherchait à manipuler Morgan. Comme je l'ai expliqué à Ada il y a quelques heures, je soupçonne fortement que les évènements d'aujourd'hui sont directement corrélés à ces deux drames.

— Comment ? Pourquoi ?

— Je ne sais pas. La disparition de preuves me semble la raison la plus vraisemblable, mais au risque de froisser à nouveau Ada, je n'exclus pas la vengeance. Michael, je voudrais te rappeler que je t'ai aidé à montrer une attaque dont nous avons de bonnes raisons de penser qu'elle a été fructueuse, n'est-ce pas ?

— De quoi parle-t-elle ? demanda Ada en fronçant les sourcils.

— Laisse tomber. Rita, il vaut mieux qu'Ada en sache le moins possible.

— Tu veux rire, j'espère ? objecta Ada avec violence, je suis dans le collimateur autant que toi !

Michael trouva le regard d'Ada et il comprit qu'aussi maigres que puissent être leurs chances de s'en sortir, s'il y avait une chose qu'il ne voulait pas perdre, c'était la confiance d'Ada. Il lui expliqua :

— Souviens-toi, c'est toi qui as eu l'idée d'utiliser ce mouchard électronique pour ouvrir une tête de pont chez eux. Morgan voulait se venger de ces types, mais je ne savais pas que c'était parce qu'ils avaient envoyé un mec agresser Lise.

— Et tu l'as fait ?

— Oui.

— Qui sont-ils ?

— Mais on n'en sait rien, Ada ! Des barbouzes probablement, ou des malfrats, ou des terros... Les trois à la fois peut-être ?

Ada soupira, pensive, avant de demander :

— Et cette attaque, ça a réussi ? Tu leur as fait de gros dégâts ?

— Je crois qu'on peut dire ça.

Elle le contempla, atterrée de stupeur. Elle connaissait assez bien Michael pour savoir que s'il faisait le modeste de cette façon, cela signifiait qu'il était tout à fait certain de leur avoir flanqué une dérouillée magistrale.

— Schwartz ! siffla-t-elle en se donnant un coup de poing de rage sur le genou.

Ils se regardèrent. Elle dit sombrement :

« J'ai compris. C'est pour ça qu'ils sont après toi. Vengeance et élimination de témoin. Nettoyage par le vide, mais discrètement, sous le couvert d'une opération de police.

— On va trouver une solution, dit Michael avec résolution, on va commencer par mettre de la distance entre les flics, ces deux salauds et nous, avant qu'ils comprennent comment Rita nous rend invisible aux caméras et qu'ils trouvent un remède contre ça. Mais, Ada, on n'a pas joué toutes nos cartes.

— Ah ?

— J'ai encore quelques tours en réserve. Allez, viens ! Rita, pour un cap au sud, droite ou gauche ?

— Attends, attends, fit Ada avec irritation, tu veux bien réfléchir ? Rita, c'est le centre commercial au-dessus de nous ?

— Exact.

— Tu as le contrôle des caméras qui sont dans les allées ?

— Oui.

— OK, alors allons-y. Non seulement, c'est un excellent endroit pour nous cacher, mais aussi, il a de nombreux magasins de vêtements et d'accessoires. On va pouvoir se relooker. Il me reste assez de cash.

— Excellente idée ! On va commencer par le coiffeur, j'en avais marre de tous ces cheveux. Et un sac à dos pour cacher Rita.

— Trop aimable, fit Rita.

— Mais on t'aime Rita, lança Ada. Est-ce qu'on a pensé à te le dire ? On t'aime !

Rita ne répondit pas. Ada se dit qu'il devait être difficile de savoir ce qu'une telle déclaration pouvait signifier pour elle, mais quand elle regarda Michael, elle vit qu'il lui souriait, et elle se souvint de l'histoire que la mère de Michael lui avait confiée : Jennifer accrochée aux poignets du policier.